L’équipe active
L’idée naît alors, de faire de cette parole, à la fois un objet de recherche sociologique mais également un objet artistique. Et, par le biais de l’audiovisuel, de pouvoir la diffuser.
Peu à l’aise avec la caméra, je fais le choix d’aller à la rencontre des gens munie de mon magnétophone et de mon appareil photo.
Une première expérience de documentaire sonore réalisée auprès des habitants d’un quartier populaire de Montpellier confirme ce qu’on peut appeler une vocation.
La prochaine expérimentation est quant à elle menée auprès de mes grands-parents vieillissants. L’idée première est de collecter leurs voix et leur langage, mélange savoureux de français et patois dont les mots me viennent en leur compagnie, mais dont je n’arrive plus à me souvenir une fois sortie de leur domicile. Leur fin de vie approchant, c’est donc une partie de moi, de mon identité qui va elle aussi disparaître.
Lors de ces entretiens, ils témoignent de l’importance d’avoir quelqu’un qui s’intéresse à leur histoire. Ils témoignent aussi de leurs inquiétudes face à leurs vieux jours et leur peur de l’entrée en maison de retraite.
Des moments de confidence qui me poussent à me questionner sur la conservation de la mémoire collective, de ces petites histoires qui composent l’Histoire avec un grand H mais aussi qui m’interrogent sur la vieillesse, son accompagnement et l’univers des EHPAD.
L’apprentissage en autodidacte des outils audiovisuels ainsi que la rencontre avec Jérôme Daëron, alors infirmier en gérontologie, va donner progressivement naissance au projet Nos Mémoires Vives. D’abord en tâtonnant, puis en expérimentant bénévolement à l’échelle de deux établissements, évaluant les bénéfices et les choses à améliorer, ces expériences m’ont convaincu de l’importance d’offrir à une personne âgée un temps d’écoute autour de son histoire de vie et de garder une trace de ses souvenirs.
Fatiguée par la machinerie des gros projets de recherche après m’être impliquée 6 ans au sein de consortium internationaux, j’ai commencé à reconsidérer mon parcours. Je découvre alors la démarche de reconnaissance des acquis par l’expérience. Nous nous racontons pour nourrir nos processus de changement respectifs.
Depuis toute petite, j’aime écouter, partager les histoires. Celles que maman me raconte le soir avant d’aller dormir, celles de Papi qui se marre en repensant à ce qui s’est dit à la Stammtisch, tablée traditionnelle alsacienne, celles de Denise aussi, ma voisine, qui quand elle n’a plus pu parler, m’a tant partagé avec ses yeux.
Alors le projet de Nos Mémoires Vives m’a plu ! J’ai contacté l’association, qui m’a invitée en 2019 à participer à la formation des bénévoles. J’ai commencé à collecter des témoignages, me suis frottée à la technique et me suis régalée ! Honorée de recevoir et soucieuse de mettre en lumière la parole reçue. J’ai été ravie d’intégrer l’équipe de l’association en septembre 2021.
Ce travail s’inscrit par ailleurs dans la continuité de ma pratique du playback théâtre ou théâtre du reflet, où les histoires partagées par le public sont honorées et restituées par les comédiens en corps et voix. Ma place de comédienne et de conductrice m’invite à aller plus loin dans la compréhension du processus de se raconter, de (re)voir son histoire.
Je poursuis ce chemin en préparant actuellement le Diplôme Universitaire « Histoires Vies en Recherche et Formation » à l’Université de Tours.
Et vous, quelle est votre histoire ?
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Toute petite, les histoires de vie de mes deux grands-mères, l’une irlandaise et l’autre française, deux femmes au parcours de vie très différents, m’ont passionnées. Puis ce sont les histoires d’inconnus, de rencontres impromptues, au détour d’un voyage en stop, d’un chemin de randonnée au Chili, ou de discussions avec mon boulanger cap verdien qui ont définitivement confirmé mon goût pour les petites histoires, venues du monde entier.
Avec l’envie de mettre en lumière des histoires individuelles, je travaille, en 2016, en Grèce en tant que chargée de plaidoyer au sein de centres d’accueil de migrants et découvre alors la puissance du témoignage comme élément indispensable à la compréhension de la grande histoire, de celle par exemple de l’évolution de nos politiques d’accueil et de notre rapport à la migration, en Europe, en France et ailleurs. Donner la parole, notamment à celles et ceux dont on parle si souvent mais dont on entend jamais le point de vue, me semble un levier puissant pour sensibiliser, documenter, montrer des réalités, et donner à voir le sensible, l’humain et l’expérience derrière des données et des chiffres.
C’est ce qui m’a tout de suite plu dans le projet de Nos Mémoires Vives : l’attachement à donner la parole aux invisibles pour collectivement, faire porter nos voix. Chanceuse de pouvoir participer à cette aventure, j’ai rejoint l’équipe pour apporter ma pierre à l’édifice dans la construction et l’animation d’espaces de rencontres et de transmission auprès des jeunes et moins jeunes pour qu’ensemble, nous puissions participer à sauvegarder la mémoire et construire la suite de notre histoire collective.
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Ayant découvert les réalisations de “Nos mémoires Vives” dès 2016 via la radio pour laquelle je travaillais, j’ai régulièrement suivi les nouvelles productions, car toujours étonné par la diversité et la richesse des témoignages récoltés.
Être capable de raconter un territoire, une histoire, l’Histoire… avec les voix de ceux qui l’ont vécu me semble un vecteur fort de lien social et une opportunité aussi d’enrichir le lien inter-générationnel.
Répondant à une demande de l’équipe de renfort notamment dans la partie montage, j’ai eu la chance de rejoindre l’aventure en 2024 avec une impatience non dissimulée de découvrir chaque nouvelle étape de ce beau parcours.
Ils ont participé à l’aventure
Pour autant dans ma pratique quotidienne, je m’aperçois que les aspects sociaux et humains de l’individu ne ressortent pas assez. Les différentes prises en charges proposées ont pour principales préoccupations les problèmes de santé. Ainsi je considère de plus en plus l’écoute des histoires et les vies que les personnes âgées me confient comme un appui pour les accompagner.
Désireux d’accorder davantage de temps à l’écoute des histoires de vie, j’explore la technique du récit de vie à travers un premier projet, Objets d’une vie, morceaux choisis, en collaboration avec Pauline Orain. A partir de ce moment, je vois et comprends les bienfaits que cela procure à la personne racontant son histoire, mais aussi les bénéfices que je peux en retirer pour accompagner la personne au plus près de ce qu’elle est.
En 2013, je complète mes savoirs et mes compétences sur l’accompagnement des personnes âgées avec un Master intitulé Action gérontologique et ingénierie sociale sur Aix-Marseille Université. Je continue également à utiliser le procédé du récit de vie pour donner la parole à nos aînés afin qu’ils nous livrent les richesses de leurs expériences passées, mais aussi de leur vie actuelle en EHPAD.
A l’issue de cette année, je deviens ingénieur social et un professionnel de santé ayant pour volonté de donner une même valeur aux conditions médicales et sociales pour la santé. Mon envie est d’apporter un réel accompagnement adapté à l’individu et non seulement une prise en charge de ses problèmes d’ordre physique et psychique. L’histoire de vie des personnes âgées me semble être une clef importante pour rentrer dans un accompagnement personnalisé, au plus près des choix et des envies de la personne.
Depuis j’ai choisi de me lancer au sein de Nos Mémoires vives, pour qu’au-delà de la mémoire, les histoires individuelles puissent exister, être écoutées afin d’animer et assurer la vie de nos aînés.
Membre bénévole de l'association, j'ai quitté le projet début 2020.
Parallèlement à ma pratique d’éducatrice spécialisée, je me suis engagée en tant que formatrice et jury pour les étudiants/tes éducateurs/trices spécialisés/ées et en tant que bénévole au sein de l’association Nos Mémoires Vives.
Au cours de ce trajet professionnel, j’ai développé quelques appétences et engagements: écouter l’autre, lui reconnaître sa compétence propre, le stimuler et le valoriser, favoriser les rencontres, entendre la singularité de l’autre et plus encore dans les vies institutionnelles, observer-questionner-analyser-chercher pour un accompagnement de proximité éveillé et attentif, accueillir les surprises et les hasards.
Mon engagement auprès de la personne vieillissante a trouvé son départ dans le projet de créer une maison de retraite atypique et intimiste dans laquelle la personne hébergée resterait pleinement active dans la gestion de la vie quotidienne, en se joignant au personnel, à hauteur de ses capacités aussi variables soient- elles, maison de retraite dans laquelle son entrée serait accompagnée par la valorisation de son histoire de vie et le soin apporté à ses proches pour ce passage.
Mon engagement à Nos Mémoires Vives est venu croiser ce souhait d’apporter tout ce soin aux personnes vieillissantes et toute cette attention aux pratiques professionnelles de l’accompagnement. Comment le récit de vie représente un véritable outil dans la relation d’aide. Comment il permet de valoriser au sein de la société les personnes qui seraient à la marge. Comment il permet la mémoire collective. En rejoignant Nos Mémoires Vives, je souhaite contribuer à approfondir ces questions en adoptant la posture de recherche- action et en développant la formation auprès des professionnels de la relation d’aide.
Dans mon parcours de vie, il y a l’accompagnement de proches depuis quelques années. Ce rôle d'aidante m’a proposé un « côte à côte » engagé, une réalité déconcertante parfois éprouvante, toujours émouvante.
L’accompagnement de mes parents, mon père Alzheimer et ma mère aphasique suite à un AVC m’a conduite à documenter ces épisodes : rapprochement en particulier d’associations telles que France Alzheimer, l’ADAO (association des aidants d’Occitanie) et l’obtention d’un Diplôme Universitaire sur le Répit des Aidants.
La rencontre avec Nos mémoires vives s’est inscrit naturellement dans cette intention initiale de partage et de désir d’objectivation de nos situations d’aidants, avec le documentaire « aidant, aidé : corps à cœur engagé ». Sur ce projet, l’ensemble de mes casquettes y sont mobilisées : je suis aidante, je témoigne, photographe, j’expose une série d’image sur mon père, et partageuse, je m’occupe avec Pauline et Mathilde de la diffusion du documentaire.